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  • La reconstruction du Centre St Vincent pour Enfants Handicapés, encore incertaine

    Au Centre St Vincent pour Enfants Handicapés ce jeudi matin, les élèves sont excités comme d’habitude à l’heure de la récréation. Ils jouent ensemble, partagent le goûter, s’entraident. Ils ne tenaient plus en place malgré l’étroitesse de la cour de récréation. Les conversations en langue des signes, tenues entre les sourds, sont aussi animées qu’un dialogue vocal.

    Quand retentisse le son de la cloche pour annoncer la fin du moment de pause, tous entrent en classe pour reprendre le travail. Le vacarme n’en finit pas tout de suite et les conversations continuent. Enfin, les professeurs prennent le contrôle et se mettent à travailler. Les élèves sont à la fois attentifs et turbulents. Particularités, on n’entend aucune voix dans les classes de sourds. Le cours se fait en langue des signes.

    256 enfants, du jardin d’enfant au troisième cycle fondamental, y reçoivent le pain de l’instruction suivant une méthode adaptée à leur handicap. Tous, des chanceux, tenant compte du peu d’opportunité offert aux enfants handicapés par le système scolaire haïtien.

    A l’école spécialisée pour enfants handicapés qu’est le Centre St Vincent, on suit le programme de travail proposé par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle. Cependant, les méthodes d’apprentissage changent en fonction de la déficience de l’enfant.  Les élèves souffrent de surdité, de cécité, de déficiences motrices mais apprennent sans difficultés majeures quand la méthode est adaptée, selon la directrice pédagogique de la section préscolaire, Belinda Paillant. « C’est une noble tâche que de travailler avec des enfants handicapés», affirme-t-elle. C’est en effet exaltant que de voir un enfant sans bras écrire lisiblement une phrase tenant son crayon entre ses orteils, comme Berguins Souffrant, élève de première année fondamentale.

    Depuis 2010, la problématique du handicap est perçue autrement en Haïti. L’aide technique et financière des organisations nationales et internationales s’intensifient ; les parents sont plus soucieux à intégrer leurs enfants afin de leur un avenir meilleur. « Durant ces trois dernières années, nous avons reçu des demandes pour enfants de trois ans comme cela n’a jamais été le cas avant. Nous avons donc ouvert la section préscolaire », renchérit Madame Paillant.

    S’il est vrai que le tremblement de terre a ouvert les yeux de plus d’un sur la problématique du handicap en Haïti, il a été un coup dur pour l’école. « L’école ne fonctionne pas sans difficultés », confie le Directeur du Centre St Vincent, le Père Sadoni Léon. Depuis le séisme qui a détruit les anciens bâtiments, l’établissement fonctionne à l’étroit partageant son local avec une clinique pour personnes handicapées et le dortoir de l’établissement. «Notre espace est considérablement réduit. Toutes les unités sont concentrées dans l’espace où se trouvait autrefois uniquement le dortoir des garçons pensionnaires » déplore le Père Sadoni. Des abris provisoires, don du Japon, ont été construits pour compléter les espaces de travail. « Notre espace n’est pas tout à fait adapté à notre travail. La cour est trop exigüe, les rampes sont trop à pic et la cour de recréation n’est pas suffisamment spacieuse », continue-t-il.

    Trois ans après la catastrophe, l’institution qui a été pendant longtemps l’école de référence pour enfants handicapés, qui est reconnue d’utilité publique depuis plusieurs années, fonctionne encore dans des abris provisoires. Certaines salles de classe sont à l’étage, ce qui les rend encore moins accessibles. Il arrive même que deux classes fonctionnent dans une seule salle, des dispositifs nettement inappropriés à l’apprentissage.

    Depuis quelques mois, tout bouge autour de l’école située à la rue de l’Enterrement, dans le cadre  du projet de reconstruction du bas de la ville par le gouvernement. Mais la reconstruction des locaux du Centre St Vincent pour enfants handicapés est encore incertaine. Les différentes promesses des partenaires de l’Eglise Episcopale des Etats-Unis et la volonté des dirigeants de reconstruire l’institution restent insuffisantes et l’Etat haïtien demeure jusqu’ici impuissant face au problème malgré des démarches du Bureau du Secrétaire d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées. Les salles de classe, trop étroites, ne peuvent accueillir plus que 15 élèves. La capacité d’accueil de l’internat du Centre St Vincent est aussi considérablement réduite. Si avant le séisme il pouvait recevoir 150 pensionnaires, aujourd’hui il peut accueillir seulement 50. Le nombre de refus lors de la période d’inscription ne fait que grimper.

    Alors que le nombre de personnes handicapées a augmenté en Haïti depuis 2010, alors que les parents veulent de moins en moins cacher leurs enfants vivant avec des déficiences, les moyens d’encadrer ces derniers semblent faire défaut. Et tout le dilemme est là.

    Bureau du Secrétaire d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées